Centre Arcadie – Anthropocène, Histoire, Utopies

Un centre de recherche de l'Institut ESPHIN de l'UNamur

Thématiques de recherches

1. Théorie critique de l'histoire

L’équipe étant déjà riche de travaux et d’une expertise de plusieurs années dans ce domaine, les membres du centre s’engageront dans une réflexion critique sur l’histoire – le terme étant pris dans toute son équivocité et l’amplitude de son homonymie (l’histoire événement, l’histoire vécue, l’histoire en tant que récit, l’histoire savante). L’un des enjeux est notamment de compliquer la conception moderne dominante d’une histoire vue à partir d’un temps homogène, nécessaire et orienté dans le sens d’un progrès continu, en prêtant une attention accrue aux temporalités multiples, à la non-contemporanéité du contemporain, aux croisements imprévus, tout comme aux diverses formes d’écriture qui peuvent les rendre intelligibles. Il s’agit aussi d’envisager d’autres formes de récits historiques (littéraire, cinématographique, non-eurocentré…) à côté de l’histoire savante, parfois peut-être plus sensibles aux anachronismes constitutifs de l’histoire, et cela dans le but de réfléchir aux enjeux sociaux et politiques que pose de manière générale l’écriture de l’histoire dans le cadre des sociétés contemporaines.

2. Philosophie de l'Anthropocène

Tout en prenant en considération les appellations critiques concurrentes à l’Anthropocène (Capitalocène, Plantationocène, Technocène, Anglocène, Androcène,…) et qui visent à ne pas incriminer l’Homme en général (l’anthropos) mais à mieux préciser les responsabilités s’agissant des origines des bouleversements climatiques et environnementaux, les membres du centre mènent des recherches sur la façon dont l’Anthropocène affecte notre sens du temps historique et notre compréhension philosophique de l’histoire. Il s’agit notamment de se demander si l’Anthropocène marque l’avènement d’un nouveau grand récit, aux allures tantôt progressistes tantôt catastrophistes, ou s’il signale au contraire la possibilité de rouvrir l’histoire en portant attention aux multiples couches de temporalités qui travaillent notre présent. L’un des enjeux est, sans nier les ressorts positifs qui peuvent parfois accompagner les récits de « progrès » et d’« effondrement », d’en lever le caractère le plus souvent inadéquat. En tentant d’ouvrir la voie à des récits historiques alternatifs, sensibles aux temporalités multiples impliquées par la crise environnementale en cours et à « l’épaisseur » du présent (D. Haraway), cet axe de recherche a pour ambition de contribuer à une réflexion philosophique fondamentale sur la place des fictions historiques en phase avec un diagnostic politique et sociologique sur les « régimes d’historicité » du présent (Hartog).

3. Utopies et temporalités contemporaines

La notion d’utopie se trouve également au cœur des préoccupations du nouveau centre. Sur fond d’analyses plus classiques, il s’agit de prendre acte du renouveau contemporain des recherches portant sur l’utopie, désavouant les diagnostics qui prédisaient son obsolescence au tournant du vingt-et-unième siècle. L’utopie ne désigne en effet pas nécessairement un mouvement vers le futur et une nouvelle positivité, telle que l’a voulue sa définition moderne. Elle peut également renvoyer à une manière d’altérer le présent, altération qui s’avère dès lors complémentaire d’une pensée critique à l’égard de la linéarité, progressive ou catastrophiste, du temps historique dominant. L’enjeu est alors d’être attentif aux dimensions critique et émancipatrice de l’utopie en réinterrogeant sa fonction historique spécifique à partir du couple conceptuel altérité/à-venir. L’utopie est en ce sens porteuse d’historicités et de temporalités créatrices, aux sources desquelles puiser une pensée de l’actualisation et de la réinvention. C’est ainsi que chez Benjamin l’utopie surgit au présent, en lien avec un moment du passé resté à l’état de possible, et avec l’ambition de faire « éclater » le continuum de l’histoire.